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LETTRE DE RIO DE JANEIRO
En 2016, Carlos (son prénom a été modifié), un coach sportif de 32 ans originaire de Belo Horizonte (Minas Gerais), dans le sud-est du Brésil, s’installe à Rio de Janeiro, ville réputée pour sa culture du fitness. Eloigné de ses proches, il se lance alors dans des paris sportifs sur la plate-forme britannique Sportingbet. Rapidement, il ne peut plus s’en passer. « Je feignais des douleurs au ventre pour passer des heures aux toilettes à jouer en toute tranquillité », confie ce passionné de football, lors d’une réunion organisée par l’association Joueurs anonymes (JA), un réseau d’entraide pour les personnes dépendantes aux jeux, à Flamengo, un quartier aisé de Rio de Janeiro.
Au Brésil, le marché des jeux de hasard et des paris sportifs est en pleine expansion. Entre 2020 et 2023, le nombre d’entreprises du secteur est passé de 51 à 308, selon le cabinet PwC. En 2023, celles-ci ont généré 120 milliards de reais (environ 19,4 milliards d’euros) de recettes. Et pour cause : en l’absence de régulation, les plates-formes, souvent étrangères, profitent d’une liberté quasi totale pour promouvoir massivement leurs services à la télévision et sur les réseaux sociaux, en s’appuyant souvent sur des célébrités locales, telles que le footballeur Neymar. Et beaucoup de Brésiliens tombent dans le piège : selon une enquête de l’Institut Locomotiva, publiée en août, 25 millions de nouvelles personnes ont parié en ligne au cours des sept premiers mois de 2024, soit une moyenne de 3,5 millions de nouveaux parieurs par mois. Au total, 52 millions de personnes ont déjà participé à cette activité dans ce pays de 215,3 millions d’habitants.
« De plus en plus de personnes devenues accros nous sollicitent », s’inquiète un des membres des JA. Selon lui, « 250 nouvelles personnes se sont inscrites » dans les douze groupes de l’organisation présents à Rio de Janeiro, entre la fin de la pandémie, en 2020, et mi-2023.
A Flamengo, la salle des JA, située derrière une église, est pleine. Outre Carlos, une trentaine d’autres personnes écoutent attentivement, assises sur des chaises d’écolier, les joueurs compulsifs partager leur témoignage. Nombre d’entre eux racontent avoir été ruinés à cause de leur addiction. Selon la banque Itau, les Brésiliens ont perdu 23,9 milliards de reais sur les 68,2 milliards de reais dépensés dans des paris en ligne entre juin 2023 et juin 2024. Ce, alors que 40 % des parieurs gagnent moins de 5 200 reais (848 euros) par mois, selon PwC. Résultat : 86 % d’entre eux sont endettés, et 64 % figurent sur les listes d’insolvabilité de Serasa, l’organisme qui gère les antécédents de crédit des particuliers. « J’ai même dû emprunter de l’argent à des amis et à des membres de ma famille qui gagnent moins que moi [pour financer mes paris] », confie Carlos. Lorsqu’il a rejoint les JA en juillet 2022, sa dette s’élevait à 80 000 reais.
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